Extraits (suite)

          Le mardi 12 octobre 1994, TARENNE se situe vers 8 heures à proximité de la passe de Suva. Nous cherchons les feux d’alignement. Un ruban d’écume blanche s’étire sur bâbord rappelant la présence meurtrière d’un récif corallien. L’épave d’un chalutier attire notre attention, sa présence suscite une grande vigilance. Les bouées tribord et bâbord apparaissent enfin. A chaque nouvel atterrissage, d’intenses sensations m’assaillent. J’enregistre très rapidement toutes les informations disponibles : Sonde, cap, amer, direction du vent, clapot, état du plan d’eauMon anxiété s’apaise lorsque ces données, l’une après l’autre me confirment le bon déroulement des opérations en cours.  Très vite, le doute ressurgit et mon regard interroge de nouveau ces mêmes données…(à suivre)

      

       Ils nous parlent de leur vie en tribu. La communauté comprenant 83 enfants est répartie en deux clans sous la responsabilité de deux petits chefs. L’un est chargé de la pêche, l’autre de la culture de l’igname. L’argent n’existe pas, tous les biens appartiennent à la collectivité et sont partagés. Les repas se prennent en commun. Les tâches ménagères sont partagées entre filles et garçons. Ce système n’est pas si simple cependant. Il y a des travaux qui divisent, des objets plus convoités que d’autres, des garçons qui échappent aux corvées de vaisselles et préfèrent chasser au fusil harpon. Des filles qui acceptent sans joie le futur mari désigné par le grand chef. Puis il y a un groupe d’individus qui, sous la conduite du grand chef, fournit aux gendarmes le coupable présumé lorsqu’un acte délictueux est commis par l’un quelconque des membres de la tribu. Oisifs, dépourvus de motivation, ils se livrent à la consommation excessive d’alcool et de cannabis. Des querelles éclatent, menant au viol et à l’agression des femmes et des enfants. C’est ce qu’on appelle « la coutume ». Il semblerait que ce modèle de société fasse rêver certains intellectuels français…(à suivre)

 

       Le 27 à 14 heures Béti traverse la chaîne montagneuse en se dirigeant  vers Nouméa. Son itinéraire est le plus défavorable pour nous. L’angoisse nous gagne ; les dés sont jetés, il n’y a plus qu’à attendre. Vers 23 heures, le vent se calme et descend à 20/25 nds. Soudain, un air chaud, euphorisant et chargé des senteurs de la flore calédonienne nous enveloppe. C’est l’œil du cyclone. Épuisé, je m’allonge sur ma couchette, dans mon esprit défilent les points qui pourraient céder. Le vent passe au Nord-Ouest, puis il grimpe à 30, 40, 50, 60 nœuds, l’anémomètre est bloqué, il continue de monter…(à suivre)

 

        Dans la journée du 9, un front froid nous désempare. Il est brutal, et passe de 35 à 50 nœuds rapidement, sans que j’aie le temps de réduire suffisamment la toile. TARENNE se couche, j’enroule le foc, mais il me reste une bande de ris dans la grand-voile et l’artimon. Le pilote hurle en raison de son incapacité à tenir le voilier. Je le débranche et me mets à la cape presque face au vent. Le bateau se redresse, le pilote est réactivé et l’artimon s’affale très rapidement. Cela va mieux, je déroule quelques mètres carrés de foc puis nous repartons, trop vite à  mon gré. La mer devient dure. Les vagues balayent le pont. L’eau entre dans le puits à chaîne par le davier. La nuit arrive, le vent rugit dans les haubans.

                                                                                              Il faut que je réduise encore. J’hésite à  me rendre sur le pont car la mer déferle et cela évolue dangereusement. Nous dérivons sur la Punta Barra (35 milles). Je vire de bord pour me mettre en fuite, malencontreusement TARENNE se dirige droit sur la côte.

    Afin d’éviter ce cap, l’étrave est orientée au près. Impossible de serrer davantage le vent car les vagues donnent de véritables coup de bélier qui ébranlent TARENNE. L’une d’elles s’écrase sur le roof qui laisse échapper un craquement. Il me faut absolument réduire la voilure. À quatre pattes et sans harnais que je ne mets jamais  (choix qui favorise une grande liberté de manœuvre à condition de se sentir en toute possession de ses moyens) ;  je rampe  sur le plat bord. A l’aide d’une lampe frontale sur la tête, j’atteins péniblement le pied de mât… (à suivre)

       

           Ce périple m’a permis d’apprendre que l’ennemi de l’homme  n’est autre que l’homme. La rencontre et l’observation d’autrui à travers le voyage sont les meilleurs procédés pour se prémunir de sa perfidie. Avec l’adhésion d’Annie, mon rêve s’est accompli. Il a été le moteur de l’action. Cette magnifique expérience à permis de dévoiler les qualités insoupçonnables de mon épouse. Toujours disponible, elle a été en dépit de sa phobie du  vent,  une équipière remarquable d’efficacité. TARENNE, fier voilier né de notre pensée et de la  dextérité de nos mains, s’est montré fiable et très robuste. Physique dans les manœuvres, il nous a toujours tirés des situations les plus difficiles. A travers l’angoisse et l’enthousiasme, la peine et la joie,  cette merveilleuse aventure a produit des fibres qui ont tissé la toile d’une partie de ma vie. Cette fresque, lorsqu’elle sera clouée au mur de l’oubli, conservera toujours les marques d’une épopée que mes petits enfants pourront parcourir dans ce livre

Extraits de récit des derniers chapitres

 RÊVE ACCOMPLI

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